dimanche 17 juillet 2016

Protocole #000 - Stratégie de survie : rester ou partir

La stratégie de survie, lorsque survient une crise majeure, repose très souvent sur la simple question "rester ou partir".

Faut-il rester à son domicile (bug in), au risque d'être dépassé par les événements ? Au risque que plus tard, toute fuite soit impossible ?

Faut-il fuir (bug out), au risque de se retrouver en situation d'exil sur les routes ? Au risque de ne pas atteindre son point de chute ?

Cette question, "comment savoir si on doit évacuer ou rester ?", revient très souvent. Je veux donner ici mon éclairage sur la question, et aborder les critères de décision. (Sachant que je reviendrai dans des billets ultérieurs sur les stratégies du "leave" et du "stay".)


Au temps pour la BAD, au temps pour Mad Max

Si vous avez la chance de disposer d'une Base Autonome Durable (je parle d'une véritable BAD, pas d'une résidence secondaire améliorée), cet article ne s'adresse pas vraiment à vous. Parce que vous habitez déjà en permanence votre BAD. (Dans le cas contraire, il s'agit de ce que je considère être un point de chute. Amélioré.)

Si vous fondez votre stratégie sur un scénario Mad Max (vous n'avez aucun stock, vous comptez sur l'exil pour trouver des ressources et vendre vos compétences), cet article ne s'adresse pas à vous. En fait, dans ce cas, je pense même que la totalité de ce blog ne s'adresse pas à vous...

Ces deux stratégies feront elles aussi l'objet d'articles ultérieurs.


Le choix par défaut : stay

Je vais être clair : le choix par défaut est de maintenir votre présence au domicile. Pour les raisons suivantes :
  • vous ne disposerez jamais, en trajet ou à destination, d'autant de ressources qu'à votre domicile
  • vous êtes plus vulnérables en déplacement et à découvert qu'entre quatre murs
  • vous ne connaissez (normalement) aucun endroit aussi bien que votre domicile et ses abords. Vous avez l'avantage du terrain.
  • vous connaissez votre voisinage et disposez d'une ressource sociale, que vous perdez en vous déplacant
  • se déplacer le cas échéant avec femmes et enfants est compliqué
  • vous ne serez jamais le seul à partir ; tout au plus, partirez-vous un peu plus tôt que les autres
  • pour partir, il faut connaître sa destination avec précision, ainsi que son itinéraire. Ce point s'anticipe, mais si vous ne disposez pas d'un point de chute (type BAD, ou famille), vous finirez en exil

Mon grand-père a connu l'exil sur les routes de France en 1939, non par choix, mais sur ordre du Gouvernement, et d'un préfet dénommé Robert Schuman... Un exil "organisé" par l'Etat, qui l'a conduit à 14 ans à dormir avec sa famille dans des gares, dans des arrière-cours et dans des écuries. Un exil qui l'a condamné à retrouver, plus d'un an plus tard, sa maison saccagée et détruite par les troupes Françaises, et à commencer à revivre avec l'assistance de la Croix Rouge Allemande.

Je ne souhaite ce destin à personne. Je ne vous souhaite pas d'être contraints à l'exil, et je ne vous souhaite pas de le choisir.

Dit en d'autres termes, il ne faut jamais se demander "dois-je rester ou partir ?" mais uniquement "l'heure est-elle venue de partir ?"


Rester... envers et contre tout

J'ai des proches qui sont dans le périmètre d'un CNPE (centrale nucléaire). J'ai donc eu connaissance des protocoles d'évacuation qui ont été pensés par des gens nécessairement plus intelligents et mieux informés que nous.

Le protocole d'évacuation, en cas de fuite de matériau radioactif hors de la centrale, est (1) le confinement puis (2) sur ordre des autorités, évacuer le domicile (à 5 km du CNPE) pour rejoindre une salle communale située à 15 km du CNPE.

Ne pensez pas que c'est une plaisanterie.

C'est le protocole officiel.

J'ajoute à cela que je suis convaincu que la sécurité civile, l'armée et les forces de l'ordre n'ont pas en leur possession toutes les tenues de protection NBC et les masques, nécessaires pour protéger les civils, ni le temps et le personnel pour aider les gens à s'équiper et à se décontaminer. (Si vous avez des informations qui vont dans le sens contraire, je suis preneur.)

Le but de ce propos n'est pas de vous rendre paranoïaque, ou défiant vis-à-vis des instructions de l'Etat. En situation de crise, les responsables prennent les meilleures décisions possibles, en fonction des moyens dont ils disposent. Le problème est juste qu'ils n'ont pas, et n'auront jamais, les moyens humains et matériels, parce que ce n'est pas la priorité.

Je ne vais pas épiloguer sur cet exemple, et sur l'attitude à tenir (ce sera l'objet du protocole #002), mais cela vous donne une idée des réflexions à avoir.

Je vous invite à avoir votre propre matériel et vos propres protocoles, mûrement pensés et réfléchis en amont. Et si ces protocoles vont à l'encontre de ce que fait la masse, suivez vos protocoles. Surtout lorsqu'ils vous permettent de rester à domicile.


Se préparer à rester... implique de se préparer à partir

Il découle de cette philosophie un point fondamental de votre préparation : vous devez consacrer 80% de vos moyens et de votre temps à préparer votre domicile à un scénario bug in.

Et néanmoins, vous devez régler en priorité la question du bug out !
Cela peut paraître contradictoire, mais si vous n'avez pas une option de fuite qui est préparée à l'avance, vous n'avez pas d'alternative réelle au bug in. Dans ce cas, vous ne prenez pas une décision, vous êtes juste contraints à rester à votre domicile. Vous subissez la situation, ce qui est le contraire de la mentalité prepper...

Vous devez donc régler en priorité la question de l'évacuation. Sans pour autant vous disperser dans le choix d'une BAD, dans l'acquisition sans fin de matériel.

Ceci peut se faire à mon sens en préparant les éléments suivants :
  • votre point de chute. Si vous n'avez pas de BAD, ce peut être une résidence secondaire, un membre de la famille, un ami ; suivant vos moyens, une résidence hôtelière, une location...
  • les itinéraires de ralliement. Prévoyez au moins un itinéraire autoroutier, un itinéraire routier hors grands axes, un itinéraire pédestre, les étapes.
  • un sac d'évacuation
  • la liste du matériel à emporter dans le cas où vous disposerez d'au moins une heure avant d'évacuer
  • un véhicule prêt, avec le carburant (je vous renvoie vers l'article consacré au sujet)
  • un protocole d'évacuation (cela fera l'objet du protocole #005)

Clairement, le bug out fait vendre du matériel, il fait fantasmer et monter en flèche le taux de testostérone, et emballe l'imaginaire.
Simplement, la réalité d'un exil est loin d'un scénario fantasmé, et peut se compliquer cruellement, par exemple si vous avez une femme non entrainée, des enfants, des blessés... avec vous.


"L'heure est-elle venue de partir ?"

Vous devez aborder le problème sous cet angle, et considérer que le départ est la dernière issue. (Sauf, encore une fois, si vous disposez d'une BAD opérationnelle.)

Le fait d'envisager en dernier recours l'évacuation ne doit pas être le prétexte pour éluder le problème. Ne faites pas l'autruche, en refusant de regarder les faits en face ! Et vous aurez d'autant plus de facilité à répondre objectivement à la question, que vous disposerez d'un protocole d'évacuation.

En tout état de cause, vous devez juger de la situation sur des critères objectifs, et qui sont à adapter à votre situation personnelle. Par exemple, l'épuisement des supermarchés est à interpréter différemment, suivant que vos stocks se trouvent à votre domicile, dans une BAD, ou dans un autre point de chute.)

Si je reste dans les hypothèses prises pour cet article (vous avez un point de chute, mais il n'est pas aussi bien équipé que votre domicile), voici trois points à vérifier en permanence. Si l'un ou l'autre est atteint, je pense que c'est le signal du départ imminent :
  • des individus nuisibles se regroupent en bandes et les forces de l'ordre commencent à être dépassées par la situation et des rumeurs d'atteinte aux biens et au personnes se font entendre
  • risque objectif menaçant votre domicile et contre lequel vous n'êtes pas préparés, ou contre lequel vous ne pouvez pas lutter : force armée ennemie ; incendie ; inondation ; risque de rupture de barrage...
  • si la crise est de nature à ce que les ressources probables dans votre point de chute deviennent supérieures à vos ressources certaines sur votre lieu de résidence (cas typique de l'évacuation d'un appartement en faveur d'une résidence secondaire à la campagne).


De quoi réfléchir...

N'oubliez jamais qu'en cas de crise, la quasi-totalité de la population aura une réaction identique (telle que fuir à un endroit X), et à ce moment chacun croira être le seul à avoir eu cette idée.

Ça ne sert à rien d'évacuer, si tout le monde évacue en même temps que vous.

Ça ne sert à rien d'évacuer, si vous prenez un flot de citadins deux jours plus tard.

Pensez différemment. Pensez à contre-courant.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire